OLYMPIENNES ET MARSEILLAISES

Entretien avec la canonnière de l’OM : Alicia Pourquiès

12 Février 2015, 19:35pm

Publié par Philippe Serve

Entretien avec la canonnière de l’OM : Alicia Pourquiès

 

Par Philippe Serve

La jeune et grande Alicia Pourquiès (22 ans, 180 cm) est une figure emblématique de la section féminine de l’Olympique de Marseille. Au club depuis la création de celle-ci à l’été 2011, personne n’a marqué autant de buts qu’elle sous la tunique blanche : 131 buts en 97 matchs, toutes compétitions confondues. Autant dire qu’elle n’est pas pour rien dans l’ascension fulgurante de son équipe vers la D2 ! Alicia est une jeune femme aussi posée que souriante, et animatrice en chef du vestiaire marseillais après les victoires… Une belle rencontre avec une fille talentueuse et sympathique..

Bonjour Alicia, merci d’accepter cet entretien. Je voudrais, avant que nous la commencions, me faire le porte-parole de tous ceux qui suivent et supportent les filles de l’OM en te félicitant et en te remerciant pour tout ce que tu apportes à ce club depuis trois ans et demi : tes buts en cascade, tes passes décisives, ton talent en un mot, mais aussi la joie apportée à ce groupe…

Merci, c’est très gentil.

Commençons si tu le veux bien par un retour sur la grosse désillusion de dimanche dernier : la défaite à domicile face à Claix. Comment l’expliques-tu, alors que vous aviez toutes les cartes en mains pour vous imposer, menant au score et dominant très largement ?

Oui, dominer autant pendant 44 minutes et perdre 3-1, c’est vraiment incroyable. Tout a basculé tellement rapidement. Après, un match dure 90 minutes. Elles ont fait preuve de solidarité. Toute la première mi-temps, elles n’ont pas vu notre gardienne, ne sont pas venu dans notre surface. Si encore, on avait fait un mauvais match en perdant nos ballons, on aurait compris, mais là… Alors, on ne peut être que déçues.

Tu as trouvé le déroulement du match, au niveau du jeu, très différent des deux faux pas précédents à Nivolas-Vermelle [2-2, après avoir été mené 0-2 au bout de 13’] ou contre le FAM [même score, mais cette fois après avoir mené 2-0 et en supériorité numérique] ?

Chaque match est différent. Ce qui s’est passé dimanche… On apprend avec les erreurs, on va dire ça comme ça, et continuer à jouer notre championnat…

Vous pouvez remercier au passage ton ancien club, le FAM (ex-Celtic) qui, en battant Nîmes, vous maintient complètement dans la course à la montée…

Ah oui, voilà ! Et si on avait eu la victoire de notre côté, alors là ça aurait été parfait. Mais bon… Donc, oui je les remercie.

Tu n’en veux donc pas à Alexandra Moziyan de t’avoir lâchée au classement des buteuses avec son doublé ?

[rires] Pas de souci, non ! Elle aurait même pu en mettre 5, ça m’aurait convenu !

Je lui passerai le message... Dans quelle disposition vous trouvez-vous, toi personnellement et le groupe, trois jours plus tard ?

Il faut tourner la page, et depuis mardi ça a été le cas. Il nous reste encore pas mal de matchs de championnat [9 rencontres en tout]. On va relever la tête, en travaillant dur, en essayant de tout faire pour gagner les autres.

Vous vous êtes parlé entre vous, entre filles, en dehors du staff ?

Oui, oui, bien sûr. On a voulu savoir ce qui n’allait pas, s’il y avait des soucis, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas. Mais il y a des matchs comme ça… Nous n’avions jamais perdu à Lebert depuis la création de la section, mais voilà… Il ne faut jamais dire jamais… On a discuté avec le coach aussi, bien entendu. Nous nous sommes entraînées hier [mardi], ça s’est très bien passé. Aujourd’hui, on remet ça.

Ce qui s'appelle "savoir ouvrir son pied"

« La Coupe, ça nous appartient »

Peut-on dire que le fait de mettre le championnat entre parenthèses pendant deux semaines, et de devoir vous concentrer sur une autre compétition où vous ne partirez pas du tout favorite, la Coupe de France avec le match à Saint-Étienne, équipe de D1, tombe finalement au bon moment ?

Oui, tout à fait. Et puis ce sera un match référence pour nous, qui nous permettra de nous situer. Ce n’est pas un match de championnat, mais on ne dira pas pour autant qu’il n’est pas important. La Coupe, ça nous appartient, à nous les joueuses. Être en 8e de finale, c’est vraiment énorme. Après, nous les avions jouées en amical [premier match de présaison, perdu par l’OM 0-5], et depuis nous avons mûri, grandi, nous avons su travailler en équipe. Donc, Saint-Étienne, c’est vraiment faisable. Comme Soyaux contre Paris. C’est un match à faire. Nous devons bien préparer Aurillac aussi [match en retard de la 13e journée et qui sera joué le dimanche 22 février], un match très important contre une équipe difficile à jouer chez elle si l’on s’en réfère à ses résultats.

Pendant trois ans, tu as évolué en pointe avec à tes côtés la plupart du temps Cathy (Abou-Deraa). Cette saison, on y retrouve généralement Pauline (Cousin) et toi tu as reculé d’un cran pour jouer derrière elle. Qu’est-ce que cela change pour toi en termes d’approche de jeu ?

En fait, depuis l’âge de 6 ans, j’ai toujours joué en 10. Ce n’est que depuis la première ou deuxième année de l’OM que j’ai joué en pointe. Donc, reculer d’un cran est ce que j’aime en réalité. J’avais déjà les bases du poste, y ayant joué pendant près de 15 ans, chez les garçons ou au Celtic. Après, la pointe, il n’y a pas de soucis…

… on s’en est aperçu, oui !

[rire] Mais milieu offensif, c’est vraiment le top !

Tu te sens donc à l’aise au sein du nouveau système mis en place par Christophe, ce 4-4-2 en losange dont tu occupes la pointe haute ?

Oui, oui, je m’y sens très bien. Il y a de très bonnes joueuses à mes côtés avec Léa et Caro, et puis devant Pauline et Éloïse, c’est super.

« Un vrai bonheur de jouer avec Pauline ! »

Dès le début de saison, on a vu que tu avais une grande complicité dans le jeu avec Pauline, arrivée au club à l’intersaison. Des échanges très rapides, on te voyait souvent contrôler dos au but, pivoter et la servir dans l’espace sans même avoir à la chercher. Des automatismes surprenants.

Oui, c’est vrai, on n’avait jamais évolué auparavant ensemble, ni l’une contre l’autre. Je me sens très à l’aise quand je joue avec elle. Je pense avoir mis un mois à bien connaître son jeu, et à savoir comment elle fait ses appels. Du coup, c’est facile de jouer avec elle, et c’est le genre d’attaquante que je cherchais et qu’il nous fallait. C’est un vrai bonheur de jouer avec elle. Et puis chaque jour on progresse, on progresse, on progresse. Et si l’an prochain, on monte en D1 et que nous sommes toujours là, et bien ce sera encore plus beau !

La D1, c’est un vieux rêve, je suppose… J’ai relu une toute petite interview de toi au moment de la première détection de l’OM, à la création de la section féminine en 2011. Outre que tu pensais n’avoir pas convaincu le staff, tu affirmais ton aspiration à jouer un jour en D1.

J’ai l’impression d’avoir dit ça hier… Depuis 2011, tout est allé tellement vite ! Je n’ai pas vu le temps passer. Je n’oublie pas les merveilleux moments, mais ça a avancé à une allure…

Hors football, tu es toujours employée en pharmacie ?

Oui, toujours la même.

Tu es une joueuse amateur avec cette saison 4 séances d’entraînement par semaine, ce qui demande beaucoup d’efforts, de sacrifices, de discipline en hygiène de vie aussi. Comment t’es-tu adaptée à ce nouveau palier et ces exigences de haut niveau ?

Déjà, j’ai une patronne qui est très bien. Je finis le boulot à 16 h, peux me reposer une heure et demie, donc ça me laisse du temps pour récupérer. Ensuite, 19 h 15 à 21 h 15 à peu près, entraînement. Je rentre à la maison, je ne me couche pas tard, vers 22 h 30. Du coup, je me lève à 7 h avec du temps de récup’. Je suis vraiment sur ça, la récup’, et question sommeil je sais ce dont j’ai besoin [rire]. Si je n’ai pas mon quota d’heures, je ne suis pas bien du tout, donc je fais très attention.

Est-ce que c’est difficile, justement, pour une jeune fille de 22 ans avec forcément des envies de vie sociale et privée, en plus de sa vie professionnelle, de s’astreindre à cette discipline d’horaires, coucher tôt, ne pas sortir, veiller à son alimentation ?

Pour moi, personnellement, non. Je ne suis pas quelqu’un qui sort, en dehors d’un cinéma ou d’un restau avec les copines ou mon copain. Mais les sorties plus importantes et tardives, ça ne m’intéresse pas du tout. J’ai fait un choix dans ma vie. Le foot et le boulot, ce sont mes priorités. Le reste du temps avec ma famille. J’ai tout pour être heureuse, et du coup, je dirai que les sorties ne sont pas pour moi. Je vis très bien comme ça.

Dans l’optique d’une montée de l’OM en D1, quel que soit le moment où elle se produira, il y aura forcément une professionnalisation de l’équipe. Est-ce que devenir une footballeuse pro fait partie de tes désirs ou, à l’instar d’une Gaétane Thiney, tu préfèrerais rester amateur avec un travail à côté ?

Je préfèrerais n’être que dans le foot, vraiment le top. Me lever, manger foot, dormir foot. Après, ça demande de l’implication. Mais je serais vraiment partante pour partir m’entraîner le matin et à nouveau le soir. Oui, j’aimerais ça.

Peux-tu me dire quel est ton secret pour tirer aussi bien tes corners rentrants ? Tu fais un entraînement spécifique ?

Oui, on les travaille. Je suis gauchère, donc je les prends de l’intérieur, et avec du vent c’est encore plus facile [rires]. Donc, j’essaie au mieux. Si ça rentre, tant mieux. Et si ça ne rentre pas, on réessaie. En trois ans et demi, je crois en avoir mis 4 directs. C’est bien, mais vraiment rare quand même. Je pourrais mieux les tirer en mettant moins de neige.

« J’entends souvent : « La numéro 10, je ne la charge pas ! »

Charline me disait, dans l’interview qu’elle m’a accordé, qu’à l’entraînement tu étais une vraie plaie pour te piquer le ballon.

[rire] Charline adore me charger à l’entraînement !

Ta couverture de balle, la façon que tu as de jouer de ton corps, de ta taille, c’est inné ou la résultante d’un gros travail ?

J’ai un gros gabarit et je dois m’en servir. Le coach me pousse beaucoup en me disant que personne ne doit me passer, et il n’a pas tort. Dans le foot féminin, j’ai rarement vu des gabarits de ma taille. Quand je vais jouer, j’entends souvent : « La numéro 10, je ne la charge pas ! » [rire] Après, si on me prend le ballon, je me fais un peu taper dessus. Mais si je mets mon corps, on ne peut pas me le prendre.

Encore faut-il savoir le positionner ce corps, il ne s’agit pas juste de le poser là, mais de jouer avec. Toi, tu sais comment le passer devant ton adversaire…

Oui, voilà, c’est ça, c’est ce qu’il faut arriver à faire. Il faut s’en servir.

Y a-t-il un domaine, dans ton jeu, où tu penses devoir encore t’améliorer ?

Oui. J’aimerais vraiment travailler mon explosivité. Bon, après en numéro 10, c’est plutôt lever la tête, assurer ses prises de balle, faire en sorte que le ballon soit plus rapide. Mais sinon, oui, explosivité et rapidité. Ça se travaille.

En même temps, vu ton gabarit justement, c’est plus difficile d’avoir cette explosivité sur deux mètres. Et puis est-ce que le plus important en football n’est pas la vitesse du ballon, plus que celui de la joueuse ?

Oui, voilà. Et en foot féminin surtout. C’est très beau à voir, le foot féminin, techniquement, très beau à regarder. On apprend vraiment beaucoup de choses.

« Marta, vraiment très loin des autres »

Tu regardes régulièrement les matchs de foot féminin ?

Pas régulièrement, de temps en temps. Mais quand je le fais, je suis vraiment dedans.

Y a-t-il, dans le football féminin, une joueuse française ou étrangère que tu admires particulièrement ?

[sans hésitation] Oui, Marta ! Elle est vraiment, vraiment, vraiment très loin des autres. Je n’ai rien de commun physiquement avec elle, mais je la prends comme exemple. Techniquement, je l’adore. Elle m’inspire beaucoup ! [rire]

Tu milites auprès de Christophe pour qu’il fasse venir Marta à l’OM, alors ?

Voilà, exactement… Sinon, j’aime bien l’équipe de Lyon. Elle est très technique, les joueuses jouent depuis longtemps ensemble et ça se voit. Thiney aussi est une grande joueuse.

Ta blessure à la cuisse, ça va aller pour Saint-Étienne ?

Oui, c’est une petite pointe, on fait des soins et ça va repartir.

Un mot que tu souhaites dire aux lecteurs de mon site, Olympiennes et Marseillaises, et supporters de l’OM féminin ?

D’abord, heureusement qu’ils sont là pour soutenir l’équipe. Vous faites vivre l’OM, et c’est très agréable.

Est-ce que tu sais que vous êtes très suivies dans le monde entier, pas seulement à Marseille ou même en France ?

Non, je ne le savais pas du tout. J’aimerais qu’il y ait encore plus de monde à nos matchs, même si ce n’est pas 200 000 ! [rire] *

Merci Alicia pour ta gentillesse et disponibilité. Un gros m…e pour dimanche à Saint-Étienne ! Continue à nous faire rêver et prends bien soin de toi !

Merci beaucoup, et bonne soirée !

* nombre de suivis de la page Facebook officielle de la section féminine (plus de 210 000, en fait).

Entretien réalisé par téléphone le 11 février 2015. Merci au club de l’avoir autorisé, et bien sûr encore une fois à la charmante Alicia.

Photos : om.net

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P
Joli compliment pour Alicia, Claude. Je pense qu’elle le mérite :o)
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C
Encore un bel article Philippe !, je ne connaissais pas plus que ça Alicia et je découvre une jeune femme facile à vivre au quotidien...que dire....une rose qui répand son parfum autour d'elle ;)
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